À peine échappé des griffes de l’armée française, le Mali redresse fièrement la tête

Par Michel J. Cuny et Issa Diakaridia Koné.

À Bamako, capitale du Mali, a eu lieu, du 24 au 26 février 2022, une Assemblée citoyenne des peuples de l’Afrique de l’Ouest, placée sous la responsabilité de l’Union des Jeunes pour la Paix et la Nation africaine (UJPNA).

Le 25 février, Choguel Kokalla Maïga, Premier ministre du Gouvernement de Transition du Mali, est venu répondre aux questions que peuvent se poser les jeunes Africaines et Africains en présence des événements survenus récemment dans ce pays, le Mali, qui donne l’impression de renaître, en quelque sorte, de ses cendres… tandis que l’armée française n’est plus chez lui que pour enlever au plus vite tout ce qui y reste d’elle…

Cette rencontre, entre la jeunesse de l’Afrique de l’Ouest et Choguel Kokalla Maïga, est reprise dans une vidéo dont on trouvera le lien au bas du présent article qui va s’en tenir à souligner certains des éléments les plus significatifs de l’intervention annoncée. C’est que celle-ci revêt un caractère particulièrement exceptionnel dans l’histoire du Mali lui-même, tellement exceptionnel qu’elle pourrait ne pas plaire ici ou là, et tout spécialement du côté de l’impérialisme occidental, et de ceux qui s’en font les alliés à l’intérieur de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest).

Dès le début de l’enregistrement, C. K. Maïga souligne à quel point il semble déranger certains dirigeants, ici ou là, rien qu’à paraître en tant que lui-même :
« Il nous est même revenu qu’à chaque sommet de la CEDEAO, certains chefs d’État viennent avec ma biographie : « Bon, c’est quelqu’un qui ne représente rien. Il n’a que 2% aux différentes élections… C’est un extrémiste, c’est un extrémiste de gauche, il a fait Moscou, il n’est pas bon », ainsi de suite. Tout est dit sur moi. »

M. Maïga ajoute :
« Ils ont décidé de me coller la réputation d’un extrémiste, un communiste, un homme de gauche extrémiste qui ne veut rien comprendre, qui est anti-français. »

Sur ce dernier point, le Premier ministre malien n’y va pas par quatre chemins :
« Il faut être – vous m’excuserez du terme – un imbécile – c’est pas des mots propres – pour être un anti-un-autre-peuple. Nous ne sommes pas des anti-français pour plusieurs raisons. »

Nous retenons celle-ci :
« D’abord, il y a beaucoup de Français qui sont des amis du Mali. Ils sont nombreux. »

Mais aussitôt, selon M. Maïga, il faut s’arrêter à ceci :
« Les Français n’ont pas accès à la bonne information. »

Et de préciser :
« Ce qu’on leur dit et ce qu’on fait n’est pas la même chose. »

Et ce décalage – assez choquant tout de même pour un peuple tel que celui de France qui se voit volontiers situé historiquement à l’avant-garde de la démocratie -, Choguel Kokalla Maïga pense pouvoir en rendre compte de la façon suivante :
« Le problème qu’on a avec le peuple français, c’est pas tout le peuple, c’est les dirigeants français… qui sont à une autre époque. Ils ne connaissent pas les peuples. Et la plupart des nouveaux dirigeants, dans beaucoup de pays, ont la culture Wikipedia : c’est-à-dire ce qu’il y a sur Internet. »

Il faudrait compléter en disant : à la surface d’Internet… En effet, à qui sait chercher un peu, Internet est également un lieu où il est possible de découvrir et de lire par exemple, en version originale d’époque, les journaux du temps de la Révolution française de 1789… Vous les voyez comme si ces papiers-là étaient dans vos mains… et ceux que Robespierre venait tout juste de rédiger…

Mais, bien sûr, pour qui reste à la surface d’Internet, il ne s’agit que d’adhérer plus ou moins consciemment à ce qui s’appelle… l’idéologie dominante, celle qui fabrique des « assujettis »…

Or, ainsi que le Premier ministre du Mali pense pouvoir en émettre l’idée…
« Il y a des peuples qui sont réfractaires à la sujétion. Il faut discuter avec eux. Il ne faut pas chercher à s’imposer à eux. »

Et le voici qui développe un discours qui ne peut que surprendre et intriguer… Tout en nous donnant, à nous, l’idée d’y revenir après plus ample réflexion :
« La réalité : ils ont cherché à s’imposer à nous, simplement qu’on a dit qu’on ne voulait pas assister à ce que des villages entiers soient effacés de la carte… et nous on est assis. On a l’opportunité d’aller vers un partenaire qui est la Russie, avec lequel nous sommes liés depuis 1960. Les premiers équipements de l’armée malienne, ça vient de l’Union soviétique. Les 80% de notre équipement militaire, avant que ça ne soit détruit ces trente dernières années, ça vient de l’Union soviétique. Les officiers, les grandes écoles de guerre… ils ont fait beaucoup de pays, mais c’est là-bas qu’on les formait. Donc, si on va vers ce partenaire pour chercher des résultats meilleurs… »

C’est dit : nous y reviendrons.

Entre-temps, pourquoi ne pas lire avec la plus grande attention la vidéo dans son entier ?… La voici…


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